Les fleurs de cerisier et la légende de la déesse qui les fait fleurir
Une ancienne légende japonaise raconte pourquoi la vie des êtres humains est aussi courte, délicate et fugace que l’éclosion des fleurs de cerisier
C’est une histoire ancienne, déjà rapportée dans le Kojiki, le premier livre japonais jamais écrit, et elle parle d’amour, mais pas seulement.
Le protagoniste de cette légende est « la princesse qui incite les fleurs à s’épanouir », une belle divinité au nom très compliqué, ou du moins très long.
Qui est la belle Sakuya-Hime ?
Elle a plusieurs noms. Les plus populaires sont certainement Konohanasakuya-Hime et son abréviation, Sakuya-Hime. Elle est aussi souvent appelée Asama no Kami, ou Sengen. Dans la traduction italienne du Kojiki éditée par Paolo Villani, elle est poétiquement appelée « la princesse en fleur(1) ».
Selon la tradition, Sakuya-Hime est la déesse associée au Mont Fuji et aux volcans en général. En réalité, il s’agit d’une association assez tardive, et il n’en est pas fait mention dans le Kojiki. Le symbole de la divinité semble être le sakura, la fleur de cerisier.
On sait cependant qu’il existe au pied du mont Fuji un sanctuaire où la divinité est honorée : il s’agit du Fujisan Hongū Sengen Taisha (富士山本宮浅間大社,), situé dans la ville de Fujinomiya, et point de départ traditionnel des excursions sur le Fuji. Le sanctuaire est le plus important des quelque 1300 sanctuaires Sengen situés dans le pays, c’est-à-dire des lieux destinés à la vénération des kami des volcans, le mont Fuji in primis.
Mais c’est surtout pour une autre raison que l’on se souvient de cette divinité, qui sera au centre de l’histoire que nous allons raconter ici dans quelques instants.

La légende de Sakuya-Hime et des fleurs de cerisier
On raconte dans les premières pages du Kojiki, que Sakuya-Hime, belle fille d’Ohoyamatsumi, dieu de la montagne, rencontra Ninigi, « le prince radieux du ciel(2) », descendant d’Amaterasu et de Susanoo.
Vous pouvez lire le mythe de Susanoo et Yamata no Orochi ici.
Il lui a demandé qui elle était et si elle avait des frères et sœurs. Elle a répondu qu’elle n’avait qu’une seule sœur, Iwa Naga-Hime, « la princesse du hard rock ».
Les deux jeunes gens étaient si beaux qu’ils sont immédiatement tombés amoureux et ont voulu se marier. Ohoyamatsumi, le père de la jeune fille, était le seul à pouvoir décider de leur mariage, mais, séduit par la myriade de cadeaux que lui envoyait Ninigi, il accepta rapidement le mariage. Il a même proposé d’épouser son autre fille, la princesse Hardstone.
La princesse aux fleurs était aussi belle que sa sœur était laide. Ninigi, horrifié, la refuse et ne veut que la belle jeune fille avec laquelle il a passé la nuit de noces.
Cependant, le père ne pouvait accepter un tel refus et, humilié, décréta le sort de l’humanité par ses prochaines paroles.
Il a dit, en effet, que ses deux filles étaient liées par un sort à la vie même des êtres humains, et qu’il n’aurait jamais dû les donner séparément. D’une part, Iwa Naga-Hime assurerait la solidité de la race humaine à tous les moments de la vie. De l’autre, Sakuya-Hime donnerait la beauté éphémère d’un arbre en fleur.
Puisque Ninigi n’avait choisi que la belle Sakuya-Hime, la lignée des hommes était destinée à une vie aussi gracieuse mais brève que l’éclosion d’un bourgeon.
Sakuya-Hime, la déesse des volcans et de la fidélité conjugale.
Sakuya-Hime n’est pas seulement connue pour être une sorte de mère de l’humanité (si vous y réfléchissez : combien de femmes trouvons-nous dans ces premiers pas de la mythologie ?) Elle est aussi un symbole de vertu et de fidélité conjugale et une divinité protectrice contre la fureur des volcans.
Comment cela est-il possible ? C’est ainsi que sa légende se poursuit.
Peu après leur mariage, Sakuya-Hime a annoncé à son mari Ninigi qu’elle était enceinte et sur le point d’accoucher. Ninigi, étonné de la rapidité de la nouvelle, met en doute la fidélité de sa femme et pense que l’enfant n’est pas le sien mais celui d’un habitant du quartier.
Outrée, Sakuya-Hime a construit une sorte de hutte et s’y est enfermée avec de la boue. Ce n’est que si les bébés étaient des enfants du ciel, et donc de Ninigi, que la naissance se passerait bien, dit Sakuya-Hime, et elle mit le feu à la cabane.
Trois enfants et leur mère se sont frayés un chemin à travers les cendres de la grotte, sains et saufs : la princesse des fleurs avait réussi à prouver sa loyauté à son mari.
Connais-tu la légende de Sakuya-Hime et des fleurs de cerisier ?